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L'élégance du hérisson

Auteur : Muriel Barbery

Edition : Folio, 414 pages

Pourquoi j'ai acheté ce livre ?

Je me souviens très bien de la petite boutique où j'ai acheté ce livre. Il faut dire que d'habitude j'évite les librairies car j'ai du mal à en ressortir les mains vides. Or là c'était en vacances et, pour le principe il me fallait un livre. Sauf que dans les petites librairies / magasins de journaux / vendeurs de souvenirs de petites villes au bord de la plage, il n'y a pas grand grand choix. Et trouver là-dedans de l'héroic fantasy en version complète (car je n'aime pas acheter un tome sans savoir si c'est le premier de 12 ou pas) relève du défi de l'oiseau qui ne veut voler que d'une aile. Alors je farfouille, je cherche, je suis même tombé une fois sur la révolution française. Mais là, je ne sais pas pourquoi, j'ai pris ce livre en main. Le titre peut-être ? Sûrement. Et la 4e de couverture m'a convaincu.

L'histoire

Cela se passe à une époque indéterminée mais clairement dans les années 2000. Dans un immeuble situé dans un quartier très chic et très huppé vivent tout un tas de gens "de la haute". Et dans cet immeuble deux personnes sont un peu différentes. Il y a tout d'abord la concierge qui est, malgré les préjugés que l'on peut en avoir, extrêmement cultivée tant en art, en littérature, en cinéma qu'en philosophie. Mais elle préfère s'en cacher pour des raisons qui lui sont propres et jouer son rôle de concierge classique. Dans cet immeuble il y a aussi une petite fille de 12 ans, surdouée en français qui a décidé de se suicider à son 13e anniversaire. Par le truchement des pensées de la concierge et du journal intime de la jeune fille, nous allons suivre un an de cette vie sociale.

Critique

L'histoire est, je trouve, originale. J'aime bien les "tranches de vie" où le lecteur arrive "en cours de route" dans un intrigue déjà plus ou moins nouée et s'en va tout aussi vite. J'entends par là que la fin qui est une fin n'est pas la fin en soi. Il y a un après qu'on ne peut que deviner, imaginer, supposer, une fin qui n'est pas imposée telle que nos sempiternels "ils se marièrent, eurent beaucoup d'enfants et vécurent heureux jusqu'à la fin de leurs jours". Non, là on ne sait pas tout et c'est tant mieux ! Après, il faut bien avouer que l'histoire n'est qu'un prétexte pour parler des personnages et poser quelques réflexions bien senties, bien intéressantes sur la vie, le français, l'art, la philosophie.

Les personnages sont indéniablement complexes. Du moins les deux principaux : la concierge et la jeune fille. En sachant tout de leurs pensées, on peut voir que gentil / méchant est un concept tout relatif. Après, c'est vrai que leurs évolutions sont faibles et se résument à ces deux questions : la concierge va-t-elle accepter de ne plus cacher sa culture et de la vivre au grand jour ? la jeune fille va-t-elle se suicider ? donc laissez-moi le droit de ne pas vous gâcher le plaisir de lire en vous dévoilant ne serait-ce qu'un morceau d'ombre des réponses finales. En revanche tous les autres personnages paraissent plus grossiers, plus frustres, moins réfléchis. Ils n'en demeurent pas moins humains avec leurs petites contradictions, leurs petites lâchetés, leurs envies. Et tout ça permet de créer un univers vivant, intéressant hautement réaliste et (donc ?) parfois un peu accablant voire lassant.

Le style est ... hypnotisant. Je ne saurais dire mieux. C'est un style très différent de ce que je lis d'habitude : les phrases sont belles avec du vocabulaire très riche (certains mots m'ont échappé), elles sont parfois longues, parfois courte (il y a même un chapitre ne comportant qu'une phrase de quatre mots sans verbe) mais elles sont toujours justes et superbement ciselées. C'est ainsi que je dois avouer que j'ai bien été obligé de relire doucement certains passages car ils étaient si justement écrits que ma première lecture rapide qui laisse parfois de côté un mot ou deux m'en a fait perdre tout le sens.

Mon opinion

J'ai été subjugué par ce livre !

Je l'ai acheté "comme ça", pas tellement au feeling, mais bien plus parce que le titre associé à la 4e de couverture m'a fait envie. Il faut, par là, remercier ces choix. Je me suis dit avant la lecture "Bon, la concierge est intelligente et cultivée, la petite est suicidaire, c'est un livre sur leur rencontre et à la fin la fille ne se suicide pas grâce à la concierge". Je ne gâche rien en disant cela car je suis sûr que c'est ce que tout le monde pense. Eh bien pensez-le et lisez le livre et vous verrez que les choses sont toujours bien plus complexes, que les mots "rencontre" "sauver" ou "suicide" ont des sens et des significations bien complexes au fond.

Alors oui, j'ai aimé pour l'histoire si juste et si surprenante, mais comme je l'ai déjà dit, ce livre est avant tout un prétexte pour parler du français, de la philosophie et de l'art. Les références à ces disciplines sont extrêmement nombreuses et elles m'ont complètement échappé. C'est ainsi que je ne suis pas apte à critiquer ce que pense la concierge des théories de Husserl ou des tableaux de Vermeer bien que j'ai déjà entendu ces noms. Mais dans les réflexions du quotidien, celles qu'on pourrait injustement appeler "de comptoir" si je les extirpais de leurs contextes et les présentaient nus, ici, comme une parole d'une profondeur intense, dans ces réflexions là, dis-je, il y a de quoi se retrouver et s'interroger sur les réponses que nous même nous avons apportées. Et cela fait du bien de voir les choses "d'un oeil neuf" la profondeur sous la légéreté, l'efficacité dans la simplicité, c'est véritablement enivrant et laisse en tête une foule de merveilleux souvenirs.

Je sais que je relirai ce livre mais je sais aussi que cela ne sera pas tout de suite. Pour ne pas "abuser" des bonnes choses, pour laisser passer un peu de temps, pour pouvoir mieux savourer. Si vous aussi vous voulez lire quelque chose d'un peu différent, quelque chose qui ne sera pas toujours facile à suivre, allez-y, c'est un belle et si juste histoire.